Ma piscine du remblai par Christine Burel

Tout cet article vise à justifier ce titre et notamment l’usage un peu incongru de l’adjectif possessif. Si j’avais voulu faire œuvre d’historien ou d’universitaire, j’aurais cité d’abord mes sources, recherché le cadastre, les Archives municipales. Je saurais le faire mais cela m’ennuie d’avance. Non, ce que je recherche ici, c’est mon vécu d’abord, mes ressentis, mes souvenirs, le plaisir !
« Ma » piscine des Sables, à nulle autre pareille…

Mon père, Maurice Burel, était un excellent nageur, ancien capitaine de l’équipe de Bretagne de water-polo, c’est lui qui m’a donné les rudiments de la natation. N’importe, cela ne suffisait pas, je nageais avec une bouée presque entièrement dégonflée mais dès qu’on me l’ôtait je coulais ! Il fallut recourir à des cours.

Nous étions en août 1961 et deux types d’apprentissage se faisaient alors concurrence. La natation en mer, en groupes, sous la houlette d’un moniteur des nombreux clubs de plage proposant alors aussi agrès, cours de gymnastique et concours ; ou bien des cours particuliers à la piscine, plus chers certes mais plus efficaces. Ce fut cette dernière formule que retinrent mes parents. Mon père connaissait le renom du directeur, Raphaël Morand, vainqueur de la traversée de la Manche et de la remontée du Nil.

La piscine était récente. Depuis le début du XXème siècle un système d’endigage mis en place par l’État puis la Ville avait permis de relier l’espace situé entre le casino et la jetée, élargissant à cet endroit le Remblai au bout de la Promenade Clemenceau, en face du somptueux Grand Hôtel, afin de protéger notamment le quartier du Passage et le Casino lui-même des tempêtes d’hiver. Après les nombreuses destructions de la seconde Guerre mondiale, il appartenait à la Municipalité de redonner à la station balnéaire son lustre d’antan et d’aller plus loin encore dans ce sens ; une piscine de bord de mer était un atout exceptionnel en 1950.

L’illustre bâtisseur du Remblai, de la Pendule, du Casino, de nombreuses villas du bord de mer et de la Piscine fut l’architecte Maurice Durand.

La piscine du remblai

La piscine du remblai dans les années 50 @collection Archives municipales des Sables-d’Olonne

C’est lui qui donna donc sa forme à notre piscine, un rectangle complété par deux demi cercles aux extrémités, une structure qui n’a pas changé depuis.

La piscine domine la plage, laissant tout de même passage aux promeneurs entre un côté grillagé qui leur permet de voir d’un côté les bassins et de l’autre l’océan.

Le Casino est tout proche. L’ensemble comporte des cabines et des sanitaires et des douches dans les deux arcs de cercle, celui de l’arrière étant bien moins utilisé que celui de l’avant, face à l’extrémité du Remblai. Après la caisse on accède à un vestiaire où le ticket donne droit à un portemanteau métallique reconnu par un chiffre sur lequel on dépose ses affaires en passant par une cabine. Un pédiluve donne accès aux bassins. Il y a un petit bain et un grand bain de 25 m de long sur 12,5 m de large comportant cinq lignes d’eau.

Du côté droit on construit une buvette, à gauche quatre étages de gradins montant vers la promenade en bord d’océan dont un simple grillage les sépare, propices à la bronzette en dehors des compétitions. Deux vasques ornent les extrémités. Deux tarifs sont alors proposés : nageur ou visiteur.

Apprentissage de la natation

Apprentissage de la natation pour Christine Burel

L’espace est ouvert autant à la natation qu’au jeu. Une planche est placée à un mètre de profondeur au bord du bassin et mesure aussi un mètre de large. Elle permet aux nageurs essoufflés de reprendre pied près de l’arrivée car on n’a pied nulle part ailleurs.  A l’autre bout on trouve une sorte de roue destinée à initier au plongeon, un plongeoir de trois mètres et un autre d’un mètre. Un toboggan toujours recouvert d’eau à l’aide d’un tuyau est installé devant les gradins pour accroître le côté ludique.

Mais ce qui est exceptionnel à l’époque et qui le reste aujourd’hui, c’est que l’alimentation de l’ensemble se fait en eau de mer.  Le pompage de l’eau se fait au bout de la jetée verte qui marque l’entrée du port à l’est.
En 1963, la Municipalité soucieuse d’hygiène installe un système de filtration et retraitement de l’eau.

La piscine du remblai

La piscine du remblai @collection Archives municipales des Sables-d’Olonne

L’apprentissage de la natation en 1961 est très différent de ce qu’on connaît aujourd’hui. Une planche de bois affiche le modèle de la brasse : I, T, grenouille (l’animal est dessiné sur l’affiche), Y, I.

On apprend d’abord la brasse, c’est la base, on nage aussi la tête hors de l’eau, les lunettes de natation n’existent pas encore. Pour bouée on porte une ceinture avec des flotteurs dont le nombre diminue au cours de l’apprentissage jusqu’à disparaître et le moniteur guide le débutant avec une longue perche.

Je passe mon Brevet de vingt-cinq mètres en fin de saison. Départ plongé ou sauté : je saute. Sur les cinq lignes d’eau deux suivent le bord, on m’a mise plutôt au centre de crainte que je m’y accroche pour reprendre mon souffle. De même on me répète maintes fois de ne pas poser les pieds sur la planche à l’arrivée : cela ne ferait que vingt-quatre mètres et je ne pourrais être reçue. Je me demande un peu pourquoi on insiste tant, c’est sans doute que je suis la plus jeune du groupe des débutants dans le groupe de ceux qui passent leur Brevet ; je suis reçue sans problème.

Mon diplôme est signé par M. Morand et la Piscine porte encore le nom de Piscine du Casino, le premier directeur, éphémère, ayant été un an le célèbre M. Léo David Sablais de souche, fils du baryton Léon David, directeur du Casino et créateur du groupe folklorique « le Nouch » – avant que M. Morand, en 1958, assure plus précisément la fonction liée à un entraînement de natation.  J’obtiendrai mon diplôme de cinquante mètres en 1962 dans la piscine municipale et actuellement on dit Piscine du Remblai. Ainsi va le hasard du nom avec les gestionnaires… En 1969 je prendrai des cours de crawl sans grand succès, d’autant que le tout récent crawl alterné d’Alain Mosconi a de nouveau laissé la place à un crawl plus classique, inspiré d’un nageur japonais dont tout le monde a oublié le nom.

Brevet de nageur scolaire

Brevet de nageur scolaire obtenu en 1961 par Christine Burel

1973 est une année de changements. M. Morand prend sa retraite et l’eau du bassin est chauffée.

Un nouveau directeur assure l’intérim pendant deux ans puis c’est un CPE du collège du Centre, Francis Cros, qui reprend la direction pendant les deux mois d’été correspondant aux congés scolaires. C’est à cette période que je verrai apparaître des moniteurs fort jeunes, encore très présents dans la vie sportive actuelle : Armando, David Gandon (champion de paddle et de triathlon), Yann Rocheteau (plusieurs fois consacré à l’Ironman de triathlon). Ils entrent le matin par une petite porte créée à cet effet dans le grillage et rejoignent M. Cros à ses ablutions au sortir de son petit logement spartiate situé en contrebas de la piscine, un lieu reconverti ensuite en atelier de rangement du matériel. Quand on entre en premier dans le local le matin, il faut demander rituellement : « L’espace est-il ouvert ? Y a-t-il un sauveteur dans l’espace ? »  C’est seulement à réception d’une double réponse positive que l’on peut s’élancer.

2004, cette fois, est une année de révolutions. La concession est accordée, après le départ de M. Cros, à la société Vert-Marine qui opère toute une série de travaux financés par la Ville afin de permettre l’ouverture à l’année de la Piscine du Remblai. Bien entendu, les résidents de l’immeuble Miramar qui a remplacé le Grand Hôtel et ouvert en 1961 la série des modernisations architecturales qui aboutiront au quasi bétonnage actuel du Remblai sont les premiers à protester.

Personnellement, passéiste et nostalgique comme toujours, je quitte tristement la piscine de mon enfance. Mais le résultat des travaux m’enthousiasme.  Le plan de la piscine d’origine est totalement respecté. On se trouve devant un ouvrage unique : une piscine d’eau de mer filtrée et traitée chauffée à 29° toute l’année en plein air, face à l’océan.

De plus l’aspect ludique conféré par les plongeoirs, le toboggan et la roue disparaît totalement, laissant le plein espace aux nageurs. Il est interdit de sauter ou de plonger au hasard comme le faisaient précédemment les enfants. Deux couloirs sont réservés à l’entraînement de natation. Les colonies de vacances ou les groupes qui étaient normalement acceptés dans le statut antérieur de gestion ne sont plus qu’une très rare exception.

C’est Guillaume Pacoutet, un ancien moniteur, qui est nommé à la direction. Il s’entoure d’un personnel qualifié : Hugo Viart (vainqueur dans la course de relais des JO de Sydney) au départ, Yann Rocheteau, Clarisse, Charline, Jean-Marc. Deux hôtesses assurent l’accueil, deux personnes font l’entretien, un technicien assure propreté et chaleur des bassins.

La Piscine du Remblai

La Piscine du Remblai actuellement

La conception architecturale vise la lumière, de là un montage de vitres tout autour de l’édifice côté mer et au niveau des rotondes. A la place des gradins un club de fitness et un bar indépendant sont construits.
En face c’est le local réservé aux moniteurs. La rotonde située à l’entrée comporte des cabines, des casiers, les douches et sanitaires.
Au centre, après le pédiluve, un bassin à remous et une descente vers le petit bain fermée par un rideau pour protéger du vent. A l’air libre petit bain et grand bassin communiquent désormais, un petit pont d’esthétique très japonaise permet de passer d’un bord à l’autre sans détour.
La rotonde située à l’autre bout du bassin comporte jets massants, nage à contre-courant, champignon, jacuzzis et hammam. Personnellement je n’utilise guère les Spas mais ils ont des adeptes dans une station comportant aussi un centre de thalassothérapie. L’important pour moi est que la structure de l’ancienne piscine se trouve entièrement conservée.

La piscine du Remblai

Pont japonisant de la piscine du Remblai

Bien sûr d’autres équipements se sont montés au Pays des Olonnes, la Piscine des Chirons et récemment l’Aqualonne des Plesses, un concept très moderne dont les piscines sont alimentées à l’eau douce.

La Piscine du Remblai propose aussi diverses activités dont je profiterai pleinement à la retraite, divers abonnements dégressifs étant possibles grâce à l’achat d’un pass : de l’aqua gym dans les bassins, de la beach gym et du longe-côte sur la plage. A l’occasion des cours de yoga ou de fitness sont organisés sur des paddles, on s’y initie à la plongée et on peut y recevoir des massages aux pierres chaudes. Des groupes de niveau liés à l’apprentissage de la natation sont proposés. Après des cours particuliers avec Jean-Marc pour améliorer ma technique trop maladroite je rejoins un bon groupe qui pratique les quatre nages officiellement, même si la nage papillon reste seulement ébauchée. Un solarium peut être envisagé l’été sur des méridiennes.

Je regrette seulement les six semaines de fermeture pour économies imposées en début d’année par le concessionnaire en accord avec la Ville, c’est l’hiver justement qu’une piscine chauffée est utile dans une station balnéaire comme Les Sables d’Olonne, l’été la baie se suffit à elle-même.

Bref, en tout état de cause « ma » Piscine du Remblai reste le paradis !

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Le paradis au paradis sablais, au point que notre fille et trois de nos petits-enfants obtiendront à leur tour ce fameux brevet de natation estampillé de la Piscine du Remblai ! Telle est « ma » Piscine du Remblai.
La ferez-vous vôtre aussi ? Et comment ?

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Auteur : Christine BUREL

Christine Burel est née à Paris en 1954 mais a passé toutes ses vacances d’été avec ses parents et grands-parents maternels aux Sables d’Olonne découverts par son grand-père lors des congés payés de 1951. D’ailleurs elle s’y est installée d’abord en « touriste » puis en habitante au sens plein pour sa retraite, comme ses ascendants ; son mari fut, comme tout le monde, séduit par la baie sablaise et l’Océan ! Quel Océan ! Ancienne Elève de l’Ecole normale Supérieure, elle enseigna en tant professeur agrégé de Lettres modernes, au collège de Sully puis au lycée Dessaignes de Blois. Grande amatrice de la « petite histoire » sablaise qui recoupe son passé, elle s’intéresse à l’écriture autobiographique auprès de l’Association pour l’Autobiographie (APA ), tout comme Guillemette de Grissac. Il est évident qu’un texte sur les « sardinettes » de son enfance a réveillé ses papilles !
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